Jardin de la France, jardin à la française

Publié le 24 mai 2017 - Mis à jour le 10 avril 2018

Dès la fin du XVe siècle, le Val de Loire a reçu l’appellation de Jardin de la France. Cet heureux surnom, justifié par l’art et la douceur de vivre qui règne dans cette région, sera alors pour longtemps, propice au développement de l’art des jardins.

La Touraine, le jardin de la France

« Dans ma géographie, j’ai vu qu’on appelait ce pays le Jardin de la France, oui ! et je l’aurais appelé comme cela, moi, gamin ! C’est bien l’impression que j’en ai gardée ; ces parfums, ce calme, ces rives semées de maisons fraîches, et qui ourlent de vert, de rose le ruban bleu de la Loire ! … » 

- Jules Vallès, L’Enfant ,1878 

Avant l’implantation des jardiniers italiens, la Touraine est déjà surnommée « le verger de la France ». Francisco Floria, un italien en visite chez le chanoine de la cathédrale de Tours, François Thouars, s’émerveille en découvrant la région. Dans un manuscrit il raconte cette visite à Louis XI où il s’émeut de la beauté du jardin de Plessis-lès-Tours. 

« (…) une petite Touraine où toutes les fleurs, tous les fruits, toutes les beautés de ce pays sont complètement représentés. Ce sont les raisins de chaque contrée, les figues, les pêches, les poires de toutes les espèces, et des melons en plein champ aussi bien que la réglisse, les genêts d’Espagne, les lauriers-roses d’Italie et les jasmins des Açores » 

- Balzac, La Grenadière, 1832 

Le jardin à la française : une influence italienne.

L’apparition de châteaux d’un genre nouveau à la fin du XVe siècle sur les bords de Loire se double d’un nouvel art des jardins. Les premiers modèles de jardins sont importés d’Italie grâce à Charles VIII et Louis XII. Les jardins français qui ne fournissaient jusqu’alors que des fruits et légumes pour l’alimentation et des fleurs pour le parfum, trouvent aussi une vocation décorative. 

Dès la fin du XVe siècle, le Val de Loire a reçu l’appellation de Jardin de la France. Ce gratifiant surnom, inspiré par l’art et la douceur de vivre dans cette région, sera désormais pour longtemps propice au développement de l’art des jardins. 

« L’expression de « jardin de la France » qui nous est encore aujourd’hui familière apparut (…) dans la première moitié du XVIe siècle avec la vogue des légumes rares. Charles VIII, rêvant de créer à Amboise des jardins pareils à ceux qu’il avait découverts avec émerveillement dans le royaume de Naples, avait ramené de ce pays un horticulteur expert, don Pacello, qui fut ensuite chargé par Louis XII de la direction des jardins royaux et qui introduisit certainement, tant à Amboise qu’à Blois, un assez grand nombre de plantes cultivées en Italie… » 

- Roger Dion, Le Val de Loire 

Louis XI, dans son château tourangeau du Plessis-lès-Tours, avait au milieu du XVe siècle fait aménager un jardin dont l’intérêt motivait l’admiration des visiteurs et chroniqueurs d’alors. Mais le changement dans l’art des jardins survient au retour des premières campagnes d’Italie. 

L’artisan principal de cette réforme est Pacello de Mercogliano (vers 1455-1534). Revenu d’Italie en 1495 avec Charles VIII, il fit preuve de son talent novateur. 

Les jardins de Blois et d’Amboise sont les premiers marqués par cette influence italienne. Ils prennent des formes ordonnées, géométriques, et sont souvent ornés de broderies de buis. Répondant à des principes architecturaux, le jardin doit  avoir un décor régulier et un aspect artificiel. Rien n’est laissé à la fantaisie, la nature est maîtrisée. 

Le style nouveau du jardin d’Amboise réalisé par Pacello vers 1495-1498 est reconnaissable sur le plan dressé par Androuet du Cerceau en 1570. Ce jardin révèle une double association : les parterres et l’architecture, et constitue à l’époque une grande nouveauté en France. Une galerie en bois ceint l’intérieur et la maçonnerie de pierre dessine des fenêtres sur le panorama. La géométrie des parterres et le dessin des motifs sont les grandes règles de ce style de jardins où apparaît également l'art topiaire (la taille des végétaux) laissant place à des formes géométriques ou figuratives : sphères, cônes, pyramides, cubes… 

De 1499 à 1510, Pacello de Mercogliano poursuit son œuvre à Blois où il aménage à proximité du château d’immenses jardins s’étageant sur 3 terrasses. 

Le jardin bas, divisé par des allées parallèles de parterres réguliers et symétriques, est formé de buis, de plantes médicinales et aromatiques, dessinant des motifs complexes. 

Le potager lui aussi est modifié par ce nouvel art italien, et apparaît alors dans les parterres de légumes, des formes géométriques. 

Au milieu, le jardin de la Reine objet de grands travaux de nivellement, est soutenu par de puissantes maçonneries. 

Cette caractéristique de terrassements réguliers et parfois étagés s’accentuera au fil du temps faisant du jardin alors dit « à la française », l’œuvre de paysagistes autant que de maçons.