Des pierres de caractère

Publié le 23 mai 2017 - Mis à jour le 30 mai 2017

Des pierres qui se travaillent

Le tuffeau et l’ardoise n’ont pas donné que des couleurs au Val de Loire. Les hommes ont rapidement utilisé les propriétés particulières de ces pierres pour développer un art de bâtir.  

Le tuffeau offre en effet de nombreuses qualités convenant particulièrement à une pierre de construction. Les innombrables particules qui la composent, les coccolites, laissent entre elles de multiples micro-interstices, des pores très fins qui donnent de la légèreté à la pierre, n’entravant en rien sa solidité. Le tuffeau est alors aussi résistant à l’écrasement qu’un calcaire tendre. Avec cette grande porosité, le tuffeau offre une bien plus grande légèreté. 

Il peut ainsi être utilisé pour construire des voûtes aussi fines que solides tout en laissant aux sculpteurs un formidable champ d’expression. Cette roche tendre est facile à travailler. 

Le tuffeau présente un inconvénient cependant. Sa grande porosité laisse facilement pénétrer l’eau, pouvant geler et la faire éclater. Le tuffeau est une roche gélive. 

La composition du schiste ardoisier est complexe, mais elle offre des propriétés très particulières.  

L’ardoise est composée de différents minéraux dans des dimensions infimes, tels que : de la silice cristallisée, des silicates complexes et simples, des matières diverses ainsi que de l’eau combinée. 

Cette composition particulière permet au schiste ardoisier d’avoir une résistance à la rupture par traction, ce qui rend l’ardoise comparable au bois de chêne ; il a le coefficient d’élasticité de la fonte et, à plat le coefficient de résistance à l’écrasement du granit. Ainsi, l’ardoise cumule les avantages du bois, de la pierre et approche ceux du métal. 

Le même art pour tous

Les usages de ces pierres fonctionnent comme des liens entre les hommes et comme un trait de caractère du paysage culturel du Val de Loire. 

L’utilisation du tuffeau donne une profusion de pierres de taille, de corniches, moulures, pilastres, chapiteaux, frises et ornements de tous styles, sur les maisons de paysans comme sur les châteaux. Cet art de la taille du tuffeau s’applique en effet sur de nombreux bâtiments. Les constructions de prestige ne sont pas les seules à présenter des raffinements de mise œuvre de ce matériau. Les éléments sculptés ou moulurés sont aussi présents sur des constructions plus modestes, ce qui confère une unité particulière au Val de Loire. 

Ces savoir-faire appliqués à beaucoup de constructions ont contribué au développement de nombreux métiers, représentés aujourd’hui encore dans les centres de compagnonnages. La taille de la pierre s’y exerce selon la tradition ancienne, donnant lieu à l’exécution de minutieux chef-d’œuvres qui mettent à profit le caractère singulier du tuffeau. Le maintien de ce savoir-faire permet d’orner les constructions contemporaines et de restaurer  les édifices anciens. 

« Le tuffeau, pour n’avoir pas d’ordinaire l’éclat du marbre ou le relief de la pierre dure, ou la vigueur taciturne du granit, n’en est pas moins une matière digne d’estime, et par son abondance, son obéissance au ciseau, son prix moindre, il est une des causes de la richesse monumentale de cette partie de la France, et de l’architecture ornée de beaucoup de maisons modestes. » 

- René Bazin, Notes d’un amateur de couleurs 

L’ardoise orne les toitures d’un très grand nombre de constructions : anciens habitats, parfois modestes et nouveaux lotissements, bâtiments publics et monuments prestigieux comme les châteaux de la Loire. 

Véritable art, la fente et la taille de l’ardoise ont donné lieu à des chefs d’œuvres ornant les toitures du Val de Loire. 

C’est d’ailleurs en Val de Loire, au XVIIIe siècle que le compagnonnage des couvreurs nait. Baptisés « Compagnons passants couvreurs du devoir » ils s’implantent dans un premier temps à : Nantes, Angers, Tours, Blois et Orléans ; par la suite d’autres sièges sont fondés à : Lyon, Bordeaux, Dijon… 

Aujourd’hui, et depuis 1929, l’école supérieure de couverture d’Angers enseigne ce métier dans le respect de la tradition afin de  prolonger le savoir-faire.