Bruno Marmiroli, nouveau directeur de la Mission Val de Loire

Publié le 15 octobre 2018 - Mis à jour le 26 octobre 2018
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Changement de direction à la Mission Val de Loire ! Arrivé mi-septembre, Bruno Marmiroli succède à Isabelle Longuet, qui a fait valoir ses droits à la retraite au 1er octobre. Il nous présente en quelques mots les grands enjeux à venir pour le paysage culturel du Val de Loire et pour la Mission.

Le Val de Loire va bientôt fêter les 20 ans de son inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Quels sont les grands enjeux à venir ?

Le premier, c’est peut-être de porter un regard sur ce qui s’est passé depuis 20 ans. Un travail colossal a été réalisé pour diffuser la connaissance liée à l’inscription, pour améliorer la prise en compte du patrimoine dans toutes les politiques publiques. Cet anniversaire sera donc l’occasion de faire un bilan. 

Ce sera également l’occasion de se projeter dans 20 ans, en 2040. Lors de ces 20 prochaines années, certains enjeux seront toujours d’actualité : il faudra continuer à inscrire le patrimoine dans la fabrique du territoire, à tous les niveaux : collectivités, métropoles ou territoires ruraux. Mais d’autres enjeux, plus sociétaux, émergent, comme la prise en compte de la dimension patrimoniale et de la connaissance des valeurs de l’inscription par les habitants du Val de Loire. C’est un dispositif qui s’inscrit dans le champ des démocraties participatives et des systèmes collaboratifs. La Mission Val de Loire s’y est engagée depuis quelques années et il faut poursuivre cet effort avec tous les usagers du périmètre inscrit au patrimoine mondial. 

Enfin, on ne peut pas évoquer les grands enjeux à venir sans parler du changement climatique et de son incidence sur le Val de Loire

En effet, depuis quelques décennies, le dérèglement climatique est une des grandes inquiétudes des sociétés humaines. Comment pourrait-il impacter un paysage culturel comme celui du Val de Loire ?

Le paysage culturel est une construction équilibrée et harmonieuse qui témoigne du lien entre des enjeux humains et un milieu naturel. C’est un long processus dont la sédimentation garantissait la stabilité du socle. Depuis quelques décennies, l’évolution lente des paysages est en train de subir une accélération brutale. C’est ce qu’il nous faut essayer de comprendre, d’anticiper et d’accompagner. 

Le changement climatique est déjà à l’œuvre sur le territoire ligérien : les niveaux d’étiages varient, les changements de températures ont une incidence sur la végétation, les périodes de sécheresse perdurent, les écosystèmes s’adaptent et les paysages agricoles évoluent… Tous ces facteurs vont modeler, probablement assez rapidement, de nouveaux paysages culturels. 

Les enjeux sur le patrimoine bâti existent également. Souvenons-nous de ce qui s’est passé en 2016, quand le Cosson, en crue, a partiellement inondé les abords de Chambord de façon relativement conséquente ! Nous pouvons imaginer d’autres exemples de cette nature, comme la baisse du niveau d’eau dans le Cher sous le château de Chenonceau… Ou bien la Loire qui, en période de fort étiage, serait traversable à pied et qu’on ne puisse plus du tout naviguer… C’est donc tout un pan de cette culture ligérienne qui fonde la notion même de paysage culturel qui est potentiellement menacée, ou qui est condamnée à évoluer. Une évolution qu’il faut accompagner avec la volonté de conserver le mieux possible le patrimoine et le paysage du Val de Loire. 

Ces évènements ont aussi une incidence sur la façon dont les habitants vivent le territoire. Les usages ne sont déjà plus les mêmes, en particulier une vision plus récréative des bords de Loire qui va tendre à augmenter, à attirer de nouvelles populations. Il s’agit d’un phénomène qui était bien moins marqué dans les années 80. Nous voyons bien, à travers ces quelques exemples, qu’un nouveau rapport à la nature, même domestiquée, se dessine et change les comportements et les usages mais aussi les représentations. 

Comment la Mission Val de Loire doit-elle inscrire son action pour répondre à ces enjeux ?

La Mission Val de Loire accompagne des acteurs qui, dans leur cadre politique et d’action, sont soumis aux enjeux que j’évoquais précédemment. La Mission doit donc anticiper et comprendre, pour accompagner au plus près les enjeux territoriaux

Son rôle est aussi d’être un lien entre la recherche ou les grandes stratégies de politique publique et l’habitant. Il s’agit d’un rôle important lié à la diffusion de la connaissance, l’appropriation des valeurs liée à l’inscription du Val de Loire au patrimoine mondial. C’est un travail quotidien qu’il faut conduire et reconduire pour que chaque acteur potentiel soit en mesure de s’inscrire dans ce système de valeurs universelles. 

Mais ce corpus de valeurs tend à se modifier en fonction des contextes et changements que nous avons évoqués. En 2000, nous ne regardions pas la fabrique du territoire avec les mêmes lunettes. 20 ans plus tard, la ville a évolué, les grands projets ont évolué, les structures agricoles également… Et la façon d’approcher la question patrimoniale a également changé. Le regard et l’attitude des habitants vis-à-vis de leur patrimoine changent progressivement. La Mission Val de Loire peut et doit accompagner, dans les années à venir, ces envies de patrimoine qui évoluent. 

Questions bonus !

La Loire, dernier fleuve sauvage d’Europe, vraiment ?

Non, la Loire n’est pas un fleuve sauvage. C’est un fleuve totalement anthropisé. Il est issu d’interactions Hommes-Nature comme la navigation sur le fleuve ou l’ensemble des plantations qui se sont installées au fil de l’histoire et des sociétés humaines. Il y a toujours eu un dialogue et des échanges entre les hommes et la nature sur ce milieu ligérien. 

Cependant, il incarne une certaine idée que l’on se fait d’une nature sauvage. À partir du moment où l’on ne met pas en exergue tous les dispositifs construits (les digues, les épis, les levées...), on peut retrouver une certaine idée de la nature. Mais c’est plutôt une histoire de représentation. D’ailleurs, quand il est représenté, il l’est souvent comme un fleuve “sauvage”. 

Le Val de Loire, on le ménage ou on l’aménage ?

S’il y a eu des périodes de fort aménagement, l’époque actuelle est plutôt au ménagement. 

Les aménagements du Val de Loire entre 1960 et les années 2000 ont accéléré le processus d’anthropisation à l’œuvre depuis des siècles, notamment aux abords des agglomérations ou des métropoles. 

Mais je crois que tout le monde est maintenant conscient de la nécessité de ménager le territoire ligérien. C’est un espace fragile, partagé par différentes populations qui en ont des usages variés, mais aussi par la nature, fluctuante, qui s’y installe. Il faut donc le ménager et que chacun y trouve sa place. 

Peut-être faudrait-il même envisager des formes d’a-ménagement, c’est-à-dire de décomposition, de désinstallation. Ce serait une démarche intéressante de se demander ce que l’on peut enlever du sur-aménagement qu’on a eu tendance à faire… 

En 5 dates clés

1997 Je sors de l’École des Hautes Études, j’ai eu la chance de côtoyer des grands personnages de l’Histoire des techniques et je découvre le Proche Orient. 

2000 C’est à la fois l’inauguration d’un grand jardin à côté de Bethléem porté par le Conservatoire des Parcs et Jardins de Chaumont sur Loire, l’ouverture d’une exposition sur l’archéologie à Gaza à l’Institut du Monde Arabe et mon installation dans un petit village de Touraine pour créer l’Atelier. 

2002 Je redécouvre la Saline royale d’Arc-et-Senans dans laquelle j’ai le plaisir de passer plusieurs années à concevoir des jardins avec des écoles du territoire. 

2013 J’arrive au CAUE de Loir-et-Cher pour y passer cinq années aux côtés des élus du département. 

2018 Je reviens à Tours et j’ai l’honneur de succéder à Isabelle Longuet à la Mission Val de Loire. 

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Licence CC BY-NC-SA Bruno Marmiroli / Mission Val de Loire

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