Tuffeau : le creusé et le construit

Publié le 30 mai 2017

A mesure que les constructions en tuffeau s’élevaient, l’homme sortait ce matériau de la terre. A ces gigantesques volumes de pierres bâtis correspondent donc autant de vides immenses au cœur de la roche.

De siècles en siècles, des générations de carriers se sont enfoncées au cœur des carrières, creusant des  kilomètres de galeries et allant toujours plus profondément pour extraire de nouveaux blocs. Certains de ces labyrinthes remontent au Moyen Age mais beaucoup datent du XIXe siècle. Cette architecture creusée a ses formes géométriques : les galeries sont souvent de section rectangulaire, d’environ deux mètres de hauteur pour un peu plus de large. On y retrouve de nombreuses marques du labeur humain : inscriptions griffonnées ou graffitées sur les parois ou tableaux regroupant nombre de chiffres.  

Rapidement, ces espaces ainsi vacants ont pu offrir un toit d’un genre particulier à ceux qui voulaient les occuper, souvent les mineurs eux-mêmes. Les entrées des petites carrières abandonnées ont  sans peine été reconverties en habitat. 

« Ils vendent la pierre qu’ils retirent de leurs excavations, de sorte que chaque maison en creux en produit une en relief, comme un plâtre qu’on ôterait d’un moule, ou une tour qu’on sortirait d’un puits… »  

- Théophile Gautier 

L’importance des « troglos »

Aujourd’hui encore, la connaissance exhaustive n’existe pas sur le troglodytisme en Val de Loire. Oubliées, obstruées, effondrées, nombre de cavités restent encore inconnues. Cependant l’importance de ce phénomène comme marqueur fort du paysage ligérien est indéniable.  

Le paysage troglodytique du Val de Loire comprend les « troglos » de plaine et les « troglos » de coteaux.  

Le troglo de plaine, en l’absence de falaises, est creusé dans les couches supérieures du tuffeau ou du falun autour d’une « carrie » ou cour.  

Le troglo de coteau, est creusé à la base de la falaise, celle-ci est entaillée en fer à cheval pour dégager la roche.   

Le travail d’inventaire des cavités souterraines du Val de Loire, entreprit depuis quelques années, pour prévenir les risques de glissement de terrain et d’effondrement notamment,  est loin d’être achevé.  

La tâche est immense, les parois rocheuses ont été très exploitées. Les pierres extraites n’ont pas servi qu’à des constructions locales ou régionales. On a autrefois exporté le tuffeau et la ville d’Alger par exemple en porte la trace.  

Certaines caves-cathédrales avoisinent les 20 mètres de hauteur. Elles témoignent du réseau interminable de galeries qui se développe dans le sous-sol. On compte parfois jusqu’à sept étages d’extraction. On estime que dans le Saumurois, même si on a inventorié à ce jour 14 000 caves,  le réseau souterrain creusé est de l’ordre de 1 000 à 2 000 kilomètres de linéaire. 

« Mais ce que la Loire a de plus pittoresque et de plus grandiose, c’est cette immense muraille calcaire mêlée de grès, de pierre meulière et d’argile à potier, qui borde et encaisse sa rive droite, et qui se développe au regard de Blois à Tours avec une variété et une gaîté inexprimables, tantôt roche sauvage, tantôt jardin anglais, couverte d’arbres et de fleurs, couronnée de ceps qui mûrissent et de cheminées qui fument, trouée comme une éponge, habitée comme une fourmilière. »  

- Victor Hugo,Voyage aux Pyrénées, 1843 

Extraire le tuffeau aujourd’hui

L’exploitation du tuffeau avait quasiment été abandonnée en 1950 au profit d’autres matériaux de construction. C’est en 1964 qu’est relancée l’extraction de cette pierre pour la rénovation de l’Abbaye de Fontevraud.  

L'exploitation du tuffeau connaît alors un nouvel élan, avec la mise au point d'une nouvelle machine de sciage en carrière et le déploiement de nouvelles techniques d'extraction et de mise en sécurité des galeries.  

L’extraction s’effectue dans les galeries souterraines à l’aide de machines de découpe montées sur des chariots élévateurs. Ces machines, les haveuses, opèrent des coupes, ensuite un coussin pneumatique est inséré dans les fentes. En gonflant, le coussin « éclate » les blocs de tuffeau, ce qui les décroche du fond de la galerie. Les blocs sont ensuite acheminés dans l’atelier de transformation pour que soient réalisés les « coupes de propreté » et le tranchage.