Regards sur les paysages viticoles ligériens : terroirs d'Azay-le-Rideau

Publié le 23 mai 2017 - Mis à jour le 17 octobre 2019

Article préparé par Dominique Boutin, géologue-géographe à l'Ecole nationale supérieure du paysage de Blois, à l'occasion des journées "Vignes, vins et randos" qui permettent de découvrir le patrimoine viticole de la Loire.

Un terroir c’est d’abord un lieu, un ensemble de quartiers parcellaires organisés, sur un territoire défini, dénommé, qualifié par des données naturelles, sur lequel des hommes ont élaboré une démarche, une production de qualité. La reconnaissance de ces différentes composantes est  à l’origine du classement en Appellation.
  
Dans cet esprit, la marche est le bon rythme pour découvrir les terroirs ligériens et une rencontre des multiples facettes qui composent le paysage. Un regard trop rapide ne permet pas d’entrer dans les détails qui font le terroir, les matériaux géologiques, les sols, le climat, l’exposition, les aménagements, les hommes et leur travail : le regard est trop souvent limité aux repères classiques superficiels.
  
La randonnée permet d’accéder aux nuances du relief, à la subtilité des agencements végétaux,  de vivre les  ruptures paysagères et la localisation des espaces consacrés à la viticulture, en l’occurrence.
Elle va ainsi se retrouver sur les «coteaux ligériens » et non dans les plaines basses : le risque de gel printanier étant toujours une des  craintes du vigneron.
  
Le  coteau de moyenne ampleur recoupe les strates du Crétacé : tuffeaux et silex  vont offrir un substrat favorable aux enracinements profonds qui assurent la vie de la plante. Ces couches géologiques, les derniers dépôts marins de Touraine, fournissent de nombreux minéraux tout à fait favorables à l’équilibre organo-leptique des vins fruités du Val de Loire.
  
Les terroirs se situent sur un éperon orienté plein Ouest face aux effluves tièdes atlantiques orientées par le Val de Loire. Et, de ce belvédère, le contempler.  

Regarder le paysage

C’est prendre le temps, s’arrêter face à l’espace, mesurer ce qui nous sépare de l’horizon, le nombre de plans qui déterminera la «profondeur de champ », cette mesure qui créée la richesse du regard sur le paysage, image alors vécue.  

Voir

En premier plan, un coteau convexe, des terres caillouteuses en repos, jachères en attente d’un prochain encépagement.
Car ce sont  les lignes d’arbres qui soulignent l’occupation de l’espace : ces corridors de ripisylves, jouxtant les peupleraies contestées.  La topographie de la plaine alluviale, juste ondulée, ne permet pas de distinguer la partition de l’espace.
 
Au loin le coteau de rive droite : l’abrupt de la paroi est aussi masqué par la végétation. Le coteau n’est pas si élevé : à peine plus haut que le clocher du village blotti en son pied.
 
Et encore plus loin la lisière de la forêt des « confins Loire-Anjou », cette ligne ondulée à peine distinguée dans les brumes de cette fin d’été qui illustrent bien le climat atlantique, doux et humide si favorable aux maturations longues des «bretons »  et «chenins », les cabernets francs et Pineaux de La Loire, fleurons fruités du patrimoine souvent copiés rarement égalés.     
 Quelques châteaux d’eau repèrent les lieux, permettent de situer les villages égrenés au long du val. L’espace, ici, a été par bonheur bien conservé exempt de tous ces alignements de cités bien incongrues. L’image reste bien heureusement rurale et qualifie le Plateau de Gâtines, ces terres défrichées tardivement au Moyen-âge, d’être trop ingrates.  

Interpréter

Récurrente, la lecture des paysages ligériens, est toujours bien contrainte.
Tout se devine plus que ne se voit, les voiries même importantes se faufilent dans cet espace à la topographie plane du fond de vallée, lit majeur de La Loire ; les digues, invisibles, portent la piste de «la Loire à vélo ». 
Le foisonnement d’arborescences hydrophiles masquent les prairies, les vergers, les cours d’eaux, Loire et Vieux Cher, invisibles. Mais leurs alignements révèlent  le sens du fleuve et organisent ainsi la partition de l’espace.
Il faut connaître les lieux pour les reconnaître, Le Val de Loire demande qu’on s’y arrête, qu’on décortique son intimité comme l’on déguste ses vins. Le fruit sublime l’alcool, le rend «gouleyant » ; ici, les effluves atlantiques, poreuses, laissent entrevoir la côte tuffeuse, le manoir, le clocher, le mât des gabares.
 
Le fleuve qui va créer l’ossature, enrichir les riverains au cours des siècles s’écoule dans l’espace trop plan de la plaine alluviale et n’apparaît que rarement. Le corsetage des digues n’est qu’un faux semblant : aucun usage de navigation, une simple protection incomplète contre les grandes crues. Mais auparavant il a su déposer une des richesses, «var arena » (littéralement le sable de la rivière) les varennes, des dépôts alluviaux de grandes valeurs agronomiques.
En fait l’ouverture ligérienne vers l’Ouest, - le couloir organisé par le fleuve, - offre aux terroirs toute cette ambiance, dernier écho de la «douceur angevine ».
Et le vin dans tout ça, ? Il s’élabore et agence son fruit au fond des caves, au sein même du tuffeau. En sous-sol c’est un vrai «gruyère », un labyrinthe de cavités, anciennes carrières le plus souvent, reconverties avec le temps, en habitations troglodytiques, en caves  à champignons ou à vin. Cet espace de valeur n’est juste décelable que par quelques portes fixées à même la paroi.  

Terroirs du Ridellois

Les communes de la confluence Indre-Loire possèdent des sols bien adaptés aux cultures pérennes. La charge grossière - sables, graviers et cailloux - intégralement siliceuse pourrait les faire considérer comme ingrates, mais ces terres sont le résultat de remaniements tant naturels qu’anthropiques et cette pierrosité donnent aux  «perruches »  de grandes qualités. La silice accumule la chaleur du rayonnement solaire et la restitue la nuit, augmentant la somme de «points » de chaleur. Elle assure ainsi la maturité des cépages tardifs, cabernets francs et Pineaux de La Loire. Le grolleau et ses rosés rappellent encore l’Anjou proche.
 
Les vergers enrichissent encore l’expression paysagère. De «plein-vent » ou «palissés », recouverts de filets paragrêles, harnachés d’arroseurs,  ils émaillent l’espace rural voué à la polyculture : une belle image du «jardin de la France ».
En ces lieux, la valeur patrimoniale de La Loire affirme toute sa dimension. 


Acteurs

Auteurs

  • Dominique Boutin
  • 2011